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Invitation à la sociologie (du sport) : le blog de Ludovic Lestrelin
Invitation à la sociologie (du sport) : le blog de Ludovic Lestrelin
Invitation à la sociologie (du sport) : le blog de Ludovic Lestrelin
3 octobre 2012

Qu'est-ce qu'une affaire sportive ?

Après avoir fait un détour, hier, par l'affaire VA-OM pour tenter d'exposer comment les affaires qui secouent le monde du sport peuvent être reçues par le public (Lire le billet "2012-1993 et vice versa"), il est temps de s'atteler au cas qui occupe l'actualité, celui du handball et des paris sportifs effectués par des joueurs du Montpellier Agglomération Handball et des personnes de leur entourage. Si vous suivez de près les derniers développements de l'affaire, vous avez pu lire hier soir que le handball français s'enfonce un peu plus dans la crise puisque plusieurs mises en examen sont tombées (lire sur Le Monde.fr : "les frères Karabatic mis en examen"). Parmi les personnes concernées, on compte donc les frères Karabatic (Lire l'article : "Nikola Karabatic s'explique sur Facebook"). Ces événements posent de nombreuses questions auxquelles les sciences sociales peuvent répondre. Mais plutôt que de les aborder toutes dans un long billet, je vais essayer d'en faire un découpage et de livrer des billets plus courts que j'essaierai de mettre en ligne régulièrement dans les prochains jours. Commençons par le commancement... Première question qui touche à l'usage des mots et en particulier au terme d'affaire. Qu'est-ce qu'une affaire sportive ?

Le sport et ses affairesDans un ouvrage intitulé Le sport et ses affaires. Une sociologie de la justice de l'épreuve sportive, paru en 2001 aux éditions Métailié (présentation sur le site de l'éditeur, ici), les sociologues Patrick Trabal (voir ici aussi) et Pascal Duret, proposent de découper les crises sportives selon deux cas de figure : le mode scandale et le mode affaire.

Les scandales constituent des formes d’indignation partagée renforçant généralement la position de l’institution fédérale du fait d’un traitement essentiellement interne du problème (comme chacun sait, le mouvement sportif s'est doté d'un "circuit interne de traitement des problèmes", avec son lot de règlements et un corps de spécialistes chargés de veiller à leur application et de rendre justice le cas échéant). La mise au jour d’infractions se prolonge alors par la désignation de coupables puis leur condamnation, une manière de montrer l’action du mouvement sportif comme un moyen de réaffirmer les valeurs du sport et de mobiliser le consensus autour de l’utopie sportive (nous y reviendrons dans un prochain billet).

A contrario, les affaires débordent le champ strictement sportif. Les affaires se caractérisent par le refus des contrevenants d’endosser le rôle de coupables, par l’intervention de la société dans son ensemble et par la mobilisation des pouvoirs publics, juges, experts, médias, opinion, etc. « Pour le mouvement sportif, il s'agit [dès lors] d’affronter l’entrée dans l’arène de nombreux acteurs émanant d’institutions diverses, exigeant des preuves de nature différente et porteurs de principe de justice potentiellement contradictoires » (Demeslay J., Trabal P., 2007, p. 151).

Tel semble être le cas ici.

Le passage d'un problème sportif au statut d'affaire sportive doit généralement beaucoup au travail de publicisation opéré par les médias. Ces derniers nourissent les événements d'images et de témoignages, cherchent à caractériser le phénomène, son ampleur, ses causes et, ce faisant, participent pleinement à sa définition et à l'appréciation de l'urgence des enjeux. Ils participent donc en ce sens de la construction des problèmes publics. Mais, en amont, il faut aussi souligner le rôle décisif d'autres acteurs extérieurs au champ sportif. Comme pour d'autres cas typiques d'affaires sportives, Festina en 1998 (initiative des douanes) ou encore Puerto en 2006 (enquête de la police espagnole), c'est bien l'action des forces de l'ordre et d'autorités publiques qui s'avère décisive dans le déclenchement des événements. Ici ce sont les investigations de la police judiciaire. De telle que sorte qu'une affaire implique les tribunaux de droit commun. Et dans de tels cas, les instances sportives paraissent quelque peu prises de court par le déroulement des événements, souvent placées en position de spectactrices.

Pour aller plus loin :

- Julie Demeslay et Patrick Trabal, "De quelques contraintes du processus d'harmonisation des politiques antidopage", Terrains & Travaux, n°12, 2007, pp. 138-162, à lire sur le portail Cairn.

- Henrique Rodas et Patrick Trabal, "De la place des médias dans l'analyse des affaires sportives", Le Temps des médias, n°9, 2007, pp. 91-106, à lire sur le portail Cairn.

- Bastien Soulé et Ludovic Lestrelin, "Réguler le dopage ? Les failles de la gouvernance sportive. L'affaire Puerto comme illustration", Revue européenne des sciences sociales, vol. 50, n°1, pp. 127-159, accès à partir du site de la revue (et sur demande en m'écrivant).

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