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Invitation à la sociologie (du sport) : le blog de Ludovic Lestrelin
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30 octobre 2010

Point de vue sur les Etats généraux du football

n89923489945_5022Je relaie ici un article paru dans Le Monde, dont l'auteur est Alain Loret, professeur des universités à la faculté des sciences du sport de Rouen.


Point de vue
La Fédération française de football baigne dans un univers de contradictions, par Alain Loret        

L'un, Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, affirme, dans Le Monde daté 22 octobre, qu'un footballeur doit être rémunéré comme un acteur ou un chanteur. Pour lui, le foot est un spectacle. L'autre, Patrick Braouezec, président de la Fondation du football, considère à l'inverse, dans un supplément de L'Equipe du 23 octobre, qu'il faut limiter les salaires des joueurs. Pour lui, le foot est un sport éducatif.

La contradiction est, à la fois, étonnante et éclairante. Elle est étonnante car ces deux hommes se connaissent bien, ils se côtoient constamment, fréquentent les mêmes loges VIP, les mêmes présidents de clubs de Ligue 1 et apprécient les mêmes joueurs. Bien plus, tous deux se désolent à l'identique des déboires du football tricolore. Elle est aussi éclairante car leur désaccord traduit notre incapacité à considérer le football professionnel pour ce qu'il est devenu : une industrie de  production d'images à forte valeur marchande. L'origine de cette inaptitude remonte à Pierre de Coubertin. Dans notre pays, c'est en effet toujours sa vision du sport qui structure le discours officiel…, que relaye Patrick Braouzec. Or, celle-ci ne tient pas compte du fait qu'il est devenu indispensable, aujourd'hui, d'opérer une distinction entre le sport qui se pratique (éducatif) et le sport qui se regarde (économique). Ces deux conceptions ne relèvent pas des mêmes modes de gestion et d'administration. C'est pourtant une seule et même organisation – la Fédération françaises de football (FFF) – qui est chargée de les promouvoir. Elle en est bien incapable.

Confinée dans une doctrine datant d'un autre siècle, dirigée par un président bénévole, gérant un patrimoine sportif considéré comme un authentique bien collectif qui, à ce titre, relève carrément du service public, sommée de répondre à un environnement économique devenu trop exigeant, la Fédération française de football baigne dans un univers de contradictions.

L'OBLIGATION DE RENTABILITÉ ÉCONOMIQUE

Parmi les multiples difficultés qui assaillent ses dirigeants, l'obligation de rentabilité économique du "produit football" exigée par ses partenaires (TV, sponsors, investisseurs) apparaît insoluble en l'état actuel de son organisation d'un autre âge. De fait, la FFF est confrontée à une double contrainte. D'une part, une gestion financière à court terme tenant compte de ses partenaires commerciaux qui escomptent toujours un retour sur investissement immédiat. D'autre part, la reconstruction du potentiel de performance de l'équipe de France qui ne peut se concevoir qu'à long terme. Incompatibles, ces deux aspects du même problème montrent à quel point la gestion récente de la fédération fut défaillante. La difficulté tient au fait que les investisseurs qui misent aujourd'hui sur l'équipe de France doivent accepter l'incroyable "carence télégénique" qu'elle subit. Entièrement due aux mauvaises pratiques gestionnaires de la FFF, elle contraint les acteurs économiques à accepter une baisse de revenus. Ce qui n'est pas dans leurs habitudes. Au-delà du problème sportif, la fédération est donc confrontée à un problème économique. Il n'est pas impossible qu'elle soit parfaitement incapable de le résoudre. En tout cas, les rivalités que l'on constate actuellement entre ses dirigeants les plus médiatiques montrent une fébrilité organisationnelle peu compatible avec les enjeux.

C'est donc une problématique difficile que celle des Etats généraux qui s'ouvrent cette semaine. Avant même d'envisager une nouvelle gouvernance, elle nécessitera un véritable "ré-engineering" du football professionnel français. Il devra s'organiser autour d'une idée aussi simple qu'elle sera dérangeante pour beaucoup. Au-delà, sa traduction sur "les terrains" sera très complexe car elle remettra en question nombre de positions acquises de longue date. En effet, jusqu'à présent, chacun s'est servi "sur la bête" : les joueurs, les agents, les entraîneurs, les acteurs économiques et même certains dirigeants. Aucun ne s'est soucié de l'épuisement de la "ressource football". Nous y sommes.

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